Le réseau électrique wallon fait face à un urgent besoin de réinvestissement. Pour assurer son financement, ORES réclame 300 millions aux actionnaires communaux, dont 33 millions à charge des communes luxembourgeoises.
Sofilux propose de réduire, puis geler les dividendes en 2027 et 2028.
C’est un nouveau coup dur pour les finances communales.
Voici une semaine, en conseil d’administration de l’intercommunale Sofilux, la direction d’ORES a levé le voile sur les montants à investir pour renforcer et rénover ses réseaux basse et moyenne tensions, et leurs répercussions sur les finances communales. Des montants qui donnent le tournis, et des sueurs froides aux argentiers des 43 communes.
Selon nos informations recoupées à plusieurs sources, trois scénarii sont avancés par ORES.
Le premier, à minima.
Bien qu’il s’avère largement sous-évalué au regard des besoins actuels, le plan d'investissement est maintenu à ce qu’ORES avait établi en 2022 : les finances communales ne sont pas impactées outre mesure, mais le réseau électrique sera incapable de répondre aux besoins, aux nouvelles formes de consommation et à la transition énergétique.
“En termes de développement économique pour la Wallonie, pour les entreprises qui veulent s’installer chez nous, ce n’est clairement pas une option”, commente un élu. Et de citer, pour illustrer son propos, l’exemple récent du projet d’hôtel Van der Valk à Transinne dans l’impossibilité de se raccorder au réseau…
Les deux autres scénarii avancés par ORES, appellent donc à un réinvestissement.
Combien ? Entre 2,8 et 4,3 milliards d’euros (!), selon le degré de rénovation et d’anticipation voulu.
Pour financer la majeure partie de ses investissements, ORES recourra aux emprunts bancaires et via la Banque Européenne d’Investissement. En parallèle, des négociations devraient être menées avec la Wallonie.
Mais l’emprunt ne pourra pas tout financer.
300 millions à charge des communes wallonnes
ORES s’est aussi tournée vers ses actionnaires principaux : les communes, regroupées par intercommunales de financement (Sofilux, pour les communes luxembourgeoises). “ORES demande aux communes wallonnes de recapitaliser à hauteur de 300 millions d’euros”, nous confirme-t-on à plusieurs sources. “Rien que pour Sofilux, actionnaire d’ORES à 11%, ça représente une somme de 33 millions d’euros, à sortir en deux ans, en 2027 et 2028”.
33 millions à financer par Sofilux
Comment financer ses 33 millions d’euros ? La question, qui appelle une réponse urgente, fait débat au sein de l’intercommunale Sofilux. La piste la plus sérieuse, nous revient-il, passe par une suspension pure et simple des dividendes alloués aux communes.
De 3,8 millions versés en 2025, ces dividendes seraient amputés de 33% en 2026 déjà, puis supprimés en 2027 et 2028.
Le président de Sofilux, Denis Collard, confirme : “Il était urgent de revoir les dividendes pour conserver de la trésorerie et financer la recapitalisation sans avoir recours à l’emprunt, dans un premier temps du moins".
"Nous avons bien conscience que les communes sont occupées à travailler sur leurs budgets, nous ne pouvions pas retirer la totalité de leurs dividendes pour 2026. Il fallait trouver le bon équilibre. Ça va être difficile pendant trois ans, mais on espère un retour des dividendes pour 2029”.
Denis Collard, président de Sofilux
Pour les communes, le manque à gagner est proportionnel au nombre de parts qu’elles détiennent au sein de Sofilux, et non en fonction de leur population ou superficie…
Comme nous l’avons déjà détaillé dans cet article, près de la moitié des parts (4969 sur 10009) sont aux mains de cinq communes : Arlon, Aubange, Marche-en-Famenne, Bastogne et Virton. Bien qu’elles ne comptent qu’un tiers de la population.
Arlon et Aubange détiennent même à elles seules près de 30% des parts de l’intercommunale. La perte de leurs dividendes s’élèvera à respectivement 600.000 et 400.000€ par an.
Quel financement pour TV Lux ?
La question du financement de TV Lux est directement liée au dossier.
La télévision de proximité, pour rappel, a été fondée en 1997 par ceux-là mêmes qui avaient créé Sofilux un an plus tôt. Le soutien à l’asbl est repris comme objet social de l’intercommunale. Son subside de fonctionnement, 1,5€ par habitant, a été porté à 2,5€ (environ 740.000€). Une partie est reversée à l’intercommunale dans le loyer du bâtiment (environ 70.000€/an).
La recapitalisation réclamée par ORES à Sofilux pourrait-elle remettre en cause le financement de TV Lux ? “Je ne cache pas qu’un des arguments entendus est que, sans dividendes aux communes, il est difficile de maintenir le subside à TV Lux”, avance un élu.
“C’est en effet ce qui est proposé aux communes, dans notre plan stratégique”, indique Denis Collard. “Il est proposé de suspendre les subsides à TV Lux, tant qu’il n’y a pas de dividendes. Mais c’est momentané. Notre intention est de refinancer TV Lux, dès que l’intercommunale retrouvera des capacités financières”.
Quel avenir sans le soutien luxembourgeois ?
En l’absence de financement de la part de Sofilux, TV Lux est-elle en mesure de tenir le coup ?
On le sait, les médias de proximité font l’objet d’un vaste projet de fusion mené par la Ministre de la culture Jacqueline Galant. Si dans ce cadre, TV Lux n’est pas directement concernée (le média couvre déjà toute une province), l’équipe aura à faire face à un gel de ses subsides de fonctionnement. Auquel s’ajoutera dès 2027, la réforme des aides APE, dont on ne connaît pas encore les impacts réels.
Dans ce contexte déjà tendu, une diminution, voire une suppression du financement de Sofilux, porterait un coup rude au maintien de TV Lux. “Personne n’a envie d’en arriver là, mais il faut trouver des solutions… Et il faudra aussi que TV Lux fasse des efforts et veille à équilibrer les comptes !”, nous glisse-t-on à bonnes sources.
Un autre abonde : “Il y a bien une volonté politique de maintenir TV Lux, de continuer à soutenir le média de proximité en province de Luxembourg. Si ce n’est pas via Sofilux, ce sera par un autre biais. L’engagement est là”.
Le plan stratégique de Sofilux sera mis à l’ordre du jour des prochains conseils communaux, d’ici à l’assemblée générale de l’intercommunale fixée au 15 décembre.