Les ministres Borsus et Tellier ont validé le permis unique pour la construction du nouvel hôpital à Houdemont. Ce faisant, ils annulent la décision des fonctionnaires technique et délégué prise en février dernier. Cette décision marque un tournant historique dans l’offre de soins en province de Luxembourg. 

C’est une décision qui fera date dans l’histoire des soins de santé en Luxembourg. En ce mardi 18 juillet 2023, les ministres wallons Willy Borsus (MR) en charge de l’aménagement du territoire, et Céline Tellier (Ecolo), en charge de l’environnement, donnent le feu vert pour la construction d’un nouvel hôpital à Houdemont (Habay).

Le futur CHR regroupera  sous 660 lits, les services actuellement dispensés sur les sites d’Arlon, Libamont, Bastogne et Virton, et amplifiera l’offre de soins. Le concept se veut novateur : production d’énergie renouvelable, géothermie, cogénération, gestion raisonnée de l’eau, station d’épuration…

Permis accordé, mais sur une superficie réduite

En accord avec les objectifs de l’article 1 er du CoDT lequel invite à « rencontrer de façon équilibrée les besoins sociaux, économiques, démographiques… de la collectivité », le Ministre Willy Borsus a statué favorablement sur les volets Aménagement du Territoire et Urbanisme de ce dossier en mettant en exergue que le site choisi présente les qualités requises à l’implantation d’un hôpital (voies d’accès rapides au site, le long de la E411, réseau secondaire apte à supporter le trafic, …)."Afin de préserver au maximum les terres agricoles, précise le communiqué,  le permis accordé est assorti d’une condition visant à préserver les activités agricoles sur une vingtaine d’hectares (21ha) repris à l’intérieur du périmètre visé par le projet." (cfr infra)

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Jusqu’à ce jour, bien peu se seraient risqués à parier sur l’issue de cette décision conjointe des ministres Borsus et Tellier. Sollicitée dans le cadre d’un recours déposé par l’intercommunale Vivalia, elle vient balayer celle rendue en première instance, fin février, par les fonctionnaires technique et délégué de la Région wallonne.

Les fonctionnaires technique et délégué l’avaient rejeté

Argumenté sur 221 pages, le refus des deux hauts fonctionnaires remettait en cause la localisation même du nouvel établissement, “éloigné des noyaux d’habitation existants et des points d'accès aux réseaux de transport en commun. Elle nécessite la réalisation d'un nouvel échangeur (...)”. “Une autre localisation à proximité d'un centre d’habitat (...) permettrait de répondre pleinement aux différents objectifs de la Wallonie en matière de mobilité”

L’administration pointait en outre l’absence de compensation au plan de secteur qui “conduit à la perte définitive de 50 ha dédiés à l'agriculture”. Le projet, écrivent les fonctionnaires, va à “l'encontre d'une urbanisation raisonnée, efficiente et cohérente du sol”, telle que voulue par la Wallonie dans son schéma de développement territorial. 

Les fonctionnaires technique et délégué avaient également remis en cause l’étude d’incidence, “biaisée en ce qui concerne les différentes alternatives de localisation”, et trop légère sur la question des parkings : “un silo, sur plusieurs niveaux, aurait rationnalisé l’espace et limité l'artificialisation des sols”. 

Face au large soutien provincial, l’opposition des communes sudistes

Rarement un dossier n’a suscité autant de réactions passionnées. Récemment encore, les quatre mutualités luxembourgeoises se sont fendus d’un large plaidoyer pour Houdemont, à l’adresse des ministres : "Il s’agit là d’un projet majeur (...) sans lequel la province deviendra progressivement mais inexorablement un désert médical hospitalier, chemin qui est déjà emprunté (...) “. La même semaine, les propos ont été appuyés par les médecins généralistes : “Soigner un patient tout au long de sa vie, c’est notre métier. Mais nous ne pouvons pas le faire seul. Nous avons besoin des autres prestataires de première ligne (infirmières, kinés, psychologues, ...) mais aussi des spécialistes et de structures hospitalières au top qui leur permettent d’exercer une médecine de qualité, à la pointe, au moyen d’équipes attractives pour les jeunes spécialistes".

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A contrario, Arlon, et avec elle Aubange, Messancy, Martelange et Attert, tous partis confondus, a démonté le projet de Houdemont dès l’entame et défendu un plan alternatif articulé autour de sa clinique et des hôpitaux de Marche et Libramont. Pas question pour elles d’imaginer déplacer les services à quelques kilomètres du centre urbain, densément peuplé,  ni d’investir dans une nouvelle construction dont le budget ne leur apparaît pas maîtrisé. Le collège arlonais ira jusqu’au bout des moyens légaux et juridiques pour défendre ses intérêts et a d’ores et déjà décidé de mandater son avocat pour explorer la suite à donner. 

L’opposition au projet est aussi venue de l’intérieur de Vivalia, et singulièrement de ses médecins spécialistes, qui à Arlon, qui à Bastogne, qui à Libramont, qui à Marche-en-Famenne se sont montrés incapables de s’entendre sur l’offre la plus efficace et la plus efficiente dans l’intérêt unique de la patientèle luxembourgeoise. Les luttes d’influence entre conseils médicaux, voire même entre spécialisations, renforcées par la perte de confiance avec la précédente direction ont repoussé l’échéance. Leur adhésion unanime au projet de Houdemont n’est tombée que tardivement et a fait perdre de long mois, durant lesquels les soins en Luxembourg se sont fragilisés. 

L’avis favorable des ministres wallons, même conditionné à une réduction de la superficie, lance la concrétisation de Vivalia 2025 : un nouvel hôpital de  pointe à Houdemont, complété d’un hôpital à Marche-en-Famenne et de polycliniques à Vielsalm, Libramont, Bastogne, Virton et Arlon.

Christophe Thiry