Info

Ligne Bruxelles-Luxembourg: la fin des travaux en 2029, un “mirage électoral”

Ligne Bruxelles-Luxembourg: la fin des travaux en 2029, un “mirage électoral”
image SNCB
 Publié le vendredi 20 octobre 2023 à 14:30 - Mis à jour le vendredi 20 octobre 2023 à 14:50    GDL - Province

Les gouvernements belges et luxembourgeois ont signé début octobre une lettre d’intention prévoyant la fin des travaux de modernisation de la ligne de train entre les deux capitales d’ici à 2029, soit deux ans plus tôt que prévu. Mais un tel délai, qui dépend de l’obtention de fonds européens, laisse sceptique.


Newsletter

Recevez notre newsletter pour ne rien manquer de l'info, du sport et de nos émissions


 

Le 3 octobre dernier, les ministres de la Mobilité des gouvernements belges et luxembourgeois, Georges Gilkinet et François Bausch, signent une lettre d’intention annonçant un raccourcissement des délais des travaux de modernisation de la ligne Bruxelles-Luxembourg: alors que ceux-ci devaient aboutir en 2031, ils pourraient finalement terminer deux ans plus tôt, dès 2029.

“Je ne suis pas un expert, mais je pense que nous avons besoin de plus de temps”, déclare la semaine suivante le ministre-président de la Wallonie, Elio Di Rupo, en marge d'un événement organisé à Bruxelles à l'occasion de la Semaine européenne des régions et des villes. “Le problème est très simple : il n'y a pas d'argent, c'est tout”, explique l’ancien Premier ministre au média en ligne Luxembourg Times.

Le prix des matériaux explose

“Avec le prix des matériaux qui explose en ce moment dans le domaine de la construction, on ne peut pas exclure que des travaux d'ampleur comme ceux-là demandent un peu plus de temps”, précise le porte-parole d’Elio Di Rupo, Sylvain Jonckeere, interrogé par TV Lux. Toutefois, “il n'a pas annoncé qu'il allait y avoir du retard, juste que c'est quelque chose qu'il ne peut pas exclure”, nuance-t-il, ajoutant qu’Elio Di Rupo “espère en tout cas de tout cœur que ce sera fait en 2029”.

Mais, de toute évidence, le scepticisme règne quant à un raccourcissement des délais. Ce projet de modernisation, qui a pour ambition de réduire à deux heures le temps de trajet entre les deux capitales, a débuté en 2007 mais l’annonce de la fin des travaux a depuis été constamment repoussée. “A chaque fois, on nous dit que les travaux seront terminés en Belgique. Ils ont été prolongés jusqu'en 2020, 2022, 2023, 2024, 2027, 2028, et maintenant 2031. Et puis, on nous annonce il y a quinze jours que les travaux termineront en 2029! Mais sur quelle base cela repose-t-il? Nous n'avons déjà pas les fonds”, tempête Michaël Jacquemin, de l'association les Amis du rail.

“Cela ne nous surprend plus”

Les propos de M. Di Rupo ne l’ont d’ailleurs pas étonné. “Pour être honnête, cela ne nous surprend plus”, admet-il. D’autant moins avec l’augmentation des coûts des matériaux de construction, qu’il constate aussi: “C'est le cas dans la réalité. C'est aussi pour cela que les chantiers ont pris du retard, en plus du manque de financement”, juge-t-il.

Mais alors pourquoi les deux ministres de la Mobilité visent-ils 2029 dans un tel contexte? Dans les faits, tout dépend de l’obtention de fonds européens, ce qui a d’ailleurs motivé à l’origine la signature de la lettre d’intention. “La lettre d'intention entre le Luxembourg et la Belgique a été signée pour souligner l'importance de cette ligne ferroviaire [...] et permettre à la Belgique de demander une assistance dans le cadre du programme CEF (Connecting Europe Facilities, programme de financement de l'UE)”, a ainsi expliqué le ministère luxembourgeois de la Mobilité au Luxembourg Times.

Image CFL

Obtenir des fonds européens

Cette lettre d’intention prévoit en effet que “les deux pays défendront ensemble, d'ici la fin de l'année, un dossier de financement auprès des instances européennes, dans le cadre du programme CEF. Ce financement, complémentaire aux budgets déjà prévus pour ce projet au sein du Plan Pluriannuel d’Investissement (PPI) 2023-2032 d'Infrabel, permettrait de faire aboutir les travaux deux ans plus tôt que prévu (2029 et non 2031), soit le plus tôt techniquement possible pour ce chantier d'envergure”.

Mais, pour le moment, sans financement européen supplémentaire, le PPI d’Infrabel prévoit bien un aboutissement des travaux en 2031. “Ce document a été élaboré en tenant notamment compte de paramètres budgétaires auxquels fait référence M. Di Rupo dans son interview”, précise Infrabel.

D’ici l’obtention de fonds européens, il s’agit donc de rester “prudent”, selon les Amis du rail: “Disons que tout ce qu'on a fait jusqu’à maintenant, c'est rallonger les délais. Alors il faut m'expliquer par quel miracle on pourrait les raccourcir. Moi, honnêtement, je n'y crois pas. Parce qu'il n'y a rien de concret, sauf si on se base sur d’éventuels fonds supplémentaires. Mais cela reste de la théorie. Parce qu'il faut déjà les obtenir. Et, si on les obtient, quel sera le montant? Dans quel délai?”, s’interroge Michaël Jacquemin. Selon lui, alors que les élections approchent en Belgique, tout cela relève davantage du “mirage électoral”.


Pierre Pailler