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Construction: la crise au Luxembourg ramène de la main-d'oeuvre en Belgique

Construction: la crise au Luxembourg ramène de la main-d'oeuvre en Belgique
Photo : Virgule / Chris Karaba
 Publié le vendredi 15 mars 2024 à 10:03 - Mis à jour le vendredi 15 mars 2024 à 10:37    GDL

Conséquence de la crise du secteur de la construction au Luxembourg, la main-d’œuvre disponible côté belge est à la hausse. Le gouvernement du Grand-Duché a annoncé du chômage partiel pour préserver l’emploi.

Englué dans une crise du secteur de la construction, le Luxembourg a décidé de réagir en ce début d’année. Mercredi 24 janvier, le gouvernement du Grand-Duché a ainsi déclaré certaines branches d’activité du secteur “en crise” pour une durée de six mois (de février à juillet 2024) et annoncé le recours au chômage partiel.

 

Les chiffres sont éloquents: le secteur de la construction a connu 162 faillites d'entreprises en 2023, selon les chiffres de l’Institut luxembourgeois de la statistique et des études économiques, le Statec, contre 118 en 2022, soit une hausse de 36% sur une année. La construction fait aussi partie des “branches qui sont le plus touchées par la disparition de postes d’emplois salariés en 2023” et représente 43% des pertes totales (1.167 pertes d’emploi sur 2.713 au total).

 

 

Pour expliquer les difficultés du secteur, le gouvernement luxembourgeois pointe du doigt “la guerre en Ukraine, l'inflation élevée (y compris en ce qui concerne les matières premières nécessaires dans la construction) et la subséquente hausse des taux d'intérêt [qui] ont contribué à un ralentissement significatif de l'activité du secteur de construction”.

 

Davantage de main-d'œuvre côté belge

 

La baisse de la demande sur le marché immobilier a aussi “inévitablement des conséquences négatives sur la construction”. Or, d’une année sur l’autre, cette baisse est significative: -38,2% de vente d’appartements au 3e trimestre 2023, -47,3% pour les maisons, -56,4% pour les terrains à bâtir. Conséquence: “La valeur ajoutée brute (VAB) en volume de la construction a baissé de 6% sur un an au 1er semestre 2023”, constate le gouvernement.

 

Les difficultés du Luxembourg ne sont pas sans conséquences en Belgique, notamment en termes de personnel. “Il y a plus de main-d'œuvre disponible côté belge sur le marché de l’emploi”, constate ainsi le directeur d’Embuild Luxembourg, François Cloos. Un flux qui est perçu comme salutaire du fait de “la pénurie de main-d'œuvre technique côté belge”, juge François Cloos. D’autant que cela constitue un “juste retour”, puisque le flux a habituellement lieu dans l’autre sens, au bénéfice du Grand-Duché.

 

Interdépendance entre les deux pays

 

Mais les risques existent aussi. Puisque le marché de la construction belge se porte bien, apparaît “la crainte que des entreprises luxembourgeoises arrivent sur le territoire belge”, note François Cloos, avec une concurrence accrue à la clé.

 

Le directeur d’Embuild Luxembourg ne se réjouit de toute façon pas de la crise luxembourgeoise: “Nous voulons un secteur de la construction fort au Luxembourg, car beaucoup d’entreprises vont de part et d’autre de la frontière et de nombreuses entreprises belges travaillent au Luxembourg”, explique-t-il, soulignant l’interdépendance entre les deux pays.

 

La reprise aura lieu”

 

Il ne s’inquiète d’ailleurs pas à long terme pour le Grand-Duché. “Tout n’est pas à l’arrêt”, remarque-t-il, et si un rebond n’aura probablement pas lieu dès 2024, “la demande est telle au Luxembourg que la reprise aura lieu”.

 

Les mesures de chômage partiel permettront en tout cas de patienter dans l’attente de cette éventuelle reprise, en apportant de la stabilité pour l’emploi dans le secteur. “Cette mesure permettra de veiller à ce que le secteur de la construction dispose de la main-d'œuvre nécessaire pour pouvoir réaliser des projets importants dans le domaine du logement lors d'une reprise économique”, a ainsi expliqué le ministre luxembourgeois de l'Économie, Lex Delles.

 

Le Luxembourg moins attractif ?

 

Cette reprise verra-t-elle in fine les employés belges repartir vers le Grand-Duché? Ce n’est pas si certain, juge François Cloos, qui rappelle que “l’intérêt pour le Luxembourg est financier” mais que l’écart de salaire entre les deux pays n’est plus si important et continue à se réduire.

 

Le Luxembourg, avec ses inconvénients bien connus pour les employés - une qualité de vie moindre du fait des longs déplacements ponctués d’embouteillages pour se rendre au travail -, ne restera peut-être pas si attractif à salaire presque équivalent.

 

Une telle perte d’attractivité du secteur de la construction représenterait un défi considérable pour le Grand-Duché. Celui-ci est en effet essentiel pour résoudre la grave crise du logement auquel le pays est confronté depuis plusieurs années. Le ministre luxembourgeois du Travail, Georges Mischo, ne s’y est d’ailleurs pas trompé et a souligné, lors de l’annonce des mesures de crise, à quel point “il est primordial de préserver les emplois dans le secteur”.


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Pierre Pailler