Retirer du cash est de moins en moins aisé. Trouver un automate pour y déposer de l’argent liquide relève même du parcours du combattant. Avec des appareils en insuffisance et mal localisés, comme à Libramont, voire sans intention d'en installer, comme à Paliseul, le consortium derrière Batopin s'intéresse-t-il aux communes rurales ?

Elle ne revendique pas le titre de pôle commercial majeur en centre-Ardenne, mais Paliseul peut s’enorgueillir d’un beau dynamisme local, avec rien qu’en son centre, plus d’une vingtaine d’enseignes, magasins de détails, de services, snacks et restaurants, ainsi que des professions libérales...
Est-ce suffisant que pour convaincre le consortium bancaire d'y installer des automates Batopin ?
Pas vraiment, se doit de constater, un brin amer, le bourgmestre Philippe Léonard.  "Nous venons de recevoir la réponse de Jeroen Ghysel, le CEO de Batopin. Selon eux, au vu de l'offre existante, il n'y a pas lieu de développer quoi que ce soit". Voilà plusieurs mois pourtant que le collège ferraille auprès de Batopin, auprès des ministres de tutelle,  rien n’y fait. "Dès qu'ils le peuvent, ils profitent de la moindre excuse pour se dédouaner de leurs obligations".

Le consortium BNP Parisbas Fortis, Belfius, KBC/CBC et ING se retranche derrière la présence de distributeurs automatiques sur Paliseul, quand bien même ils sont assurés par des banques concurrentes. "Le protocole d'accord sur l'accès aux distributeurs de billets, signé en mars dernier entre le gouvernement fédéral et l'ensemble du secteur bancaire, prévoit que chaque commune dispose d'au moins un distributeur de billets", peut-on lire dans la réponse du CEO de Batopin. 

C’est un peu vite oublier que les propres clients de BNP, Belfius, KBC/CBC et ING sur Paliseul n’ont pas accès aux automates d'AXA et Crélan pour des dépôts d’argent liquide.  "Les commerçants pénalisés n’ont d’autres choix que de se rendre à Bouillon (14,8km), Bièvre (8,3km) ou Bertrix (12,4km)", relève Serge Lamock, courtier en assurances à Paliseul.
C’est ce qui l'a d’ailleurs poussé à proposer une mise à disposition de son bâtiment, là-même où ING détenait ses distributeurs avant sa vague de fermetures. "Je ai écrit une trentaine de mails à Batopin. J'ai proposé de prendre à ma charge l'aménagement d'une rampe pour personnes à mobilité réduite, j'ai même proposé de payer le nettoyage du guichet, rien n'y fait", regrette Serge Lamock. 

Pour "85% de la population à moins de 5 Km"

Il faut admettre que rien n'oblige Batopin à s'installer à Paliseul.
A bien lire l'accord conclu avec le gouvernement fédéral, la contrainte de maintenir au minimum un ATM par commune est respectée. Quant à la fonction de dépôt d'argent liquide, elle se limite à "au moins 85% de la population belge dans une distance (par route) de 5 km maximum". Tant pis pour les 15% restants...

Les communes rurales seront-elles un jour forcées de contribuer ?

Une autre disposition prévue dans l'accord entre le gouvernement et Febelfin nous apparait délicate pour les communes rurales. Ainsi est-il écrit que les banques peuvent fermer des ATM générant moins de 20.000 retraits d'espèces par an. Rien n'explique sur quelle base a été défini ce chiffre à atteindre, en moyenne 55 retraits par jour, mais il est clair qu'il ne tient pas compte de la densité de population.
"C'est une possibilité, pas une obligation", tente de rassurer le document, qui ajoute : "sauf si la commune concernée décide de contribuer financièrement aux coûts supportés par l'opérateur. Dans ce cas, le maintien de l'ATM s'applique d'office". Ou comment, en quelques lignes, transférer la responsabilité sur les épaules des communes rurales...

A Libramont, un emplacement dangereux

La communication transparente n’apparait pas être le point fort du consortium, se dit-on du côté de Paliseul. Le constat est identique à Libramont, où les autorités ont vu débarquer l’enseigne Batopin en un emplacement sans parking, peu judicieux, voire dangereux. "On s'étonne vraiment du choix de l'emplacement, confie la bourgmestre Laurence Crucifix. Nous n'avons jamais été sollicités par les services de Batopin. Et une fois les automates installés, j'ai interrogé la police et le SPW, gestionnaire de la route régionale. Les deux rapports sont négatifs". 

Un second emplacement ?

Sept cents autres usagers, signataires d’une pétition lancée il y a une semaine par un commerçant de Libramont, remettent eux-aussi en cause la qualité du service, les problèmes d'approvisionnement, les pannes récurrentes. Le mécontentement local est-il remonté jusqu'à Bruxelles ?
Toujours est-il que vendredi dernier, le porte-parole de Batopin a laissé entendre à nos confrères de L’Avenir qu’ils allaient prendre langue avec les autorités communales. Sans plus de précision.
La bourgmestre de Libramont se dit prête à les recevoir et a d’ores et déjà identifié plusieurs endroits susceptibles d'accueillir un second emplacement : "Avec 10.000 habitants et l'activité commerciale sur Libramont, c'est une nécessité".