À Arlon, le 75 Avenue de Luxembourg abrite 38 logements. Ces logements accueillent essentiellement un public précarisé. Mais la Ville d'Arlon estime que la plupart de ces logements sont insalubres et ne respectent pas le code wallon du logement. Un problème qui n'est visiblement pas isolé à Arlon.
C'est une propriétaire agacée qui a contacté notre rédaction : elle a racheté l'ancien Home Marie-Christine, situé au carrefour de la Spetz, en 2002 pour en faire des logements. Depuis lors, elle y loue 38 logements. "Mais depuis le 7 janvier 2020, la Ville d'Arlon s'est opposée à la location de mes studios", nous explique Ann Mertens. Elle voudrait que j'expulse mes locataire pour agrandir". La propriétaire nous invite à venir sur place.
En apparence, les 2 logements qu'elle nous permet de visiter sont en bon état. Isa habite l'un d'eux depuis 6 ans. Pour 540€ par mois, toutes charges comprises, sa pièce unique de 12 m² abrite un canapé-lit, une petite cuisine et une salle de bain. Elle n'a besoin de rien de plus, nous dit-elle. "J'ai été 3 ans dans la rue, mais depuis que je suis ici je me sens vraiment super bien. C'est mon cocon. J'ai acheté mes meubles et je l'ai aménagé comme je voulais."
540€ par mois. Voilà qui semble très cher pour vivre dans 12m². À titre de comparaison, Habitations Sud Luxembourg, l'immobilière sociale à Arlon, nous assure que le loyer moyen des logements qu'elle propose est de 300€ pour un studio de minimum 30 m² (le prix étant calculé en fonction des revenus des bénéficiaires).
Que dit le code wallon du logement ?
La Ville d’Arlon souhaite donc qu'Ann Mertens agrandisse certains appartements pour respecter les nomes imposées par le code du logement. "Je ne suis pas d'accord, nous explique-t-elle. Nous avons acheté la maison en 2002. En 2008, il y a eu une réforme du code du logement, qui est beaucoup plus stricte au niveau des surfaces habitables. Mes avocats affirment que cette nouvelle loi concerne les nouvelles constructions... mais pour toute construction existante, l'ancienne législation reste d'application parce que sinon les gens devraient casser leur maison... Notre bâtiment est soumis à la réglementation d'avant 2008. J'estime que tout est conforme," assure la propriétaire
Pour mieux comprendre les justifications avancées par Madame Mertens, nous avons contacté un avocat qui traite le droit du logement. Même s'il ne connaît pas précisément le dossier, Maître Alexandre Mignon nous précise "qu'il est impossible de soutenir qu'elle est liée par le décret de 2008 sans devoir se conformer aux évolutions du nouveau code du logement." Argument également retenu par la commune.
"Nous ne sommes pas au-dessus des lois, confirme Olivier Waltzing, l'échevin en charge de l'urbanisme à Arlon. Le code du logement wallon ne permet pas de logements insalubres. Et par salubrité, on n'entend pas uniquement humidité ou moisissures... Il faut aussi que la surface soit de minimum 24 m² au sol, avoir de la luminosité suffisante ou des hauteurs de plafond suffisantes."
Dans le cas de Mme Mertens, 2 logements ont des plafonds de moins de 2m10 de hauteur et 4 logements font moins de 10 m², précise l'échevin. Parmi les 38 logements proposés, il n'y en a que 6 qui respectent le code du logement dans son entièreté", affirme l'échevin.
Afin de trouver une solution, le service urbanisme a proposé un nouveau plan pour aménager l'immeuble dans les règles, lui permettant de conserver 32 logements sur les 38. Mais la propriétaire refuse : "Ils me proposent des cuisines communes, mais ce n'est pas ce que mes locataires souhaitent. Ils veulent chacun leur kitchenette individuelle."
D'autres immeubles concernés
Cet immeuble n’est pas le seul à poser problème à Arlon. Rue de Sesselich, par exemple, plusieurs autres maisons sont concernées par cette problématique de logements insalubres que la Ville essaie de combattre. "Ici une habitation a reçu un refus pour la transformation d'une maison unifamiliale en logements, explique Olivier Waltzing. Les propriétaires ont quand même créé ces logements en toute impunité. Donc pas plus tard que ce mardi, on rencontrait la procureur du roi pour dire 'ça suffit'. Il y a un schéma de développement communal qui limite la densité de logements à Arlon, qui limite aussi l’artificialisation des sols et ça commence par la lutte contre les logements insalubres, les marchands de sommeil et les logements vides."
Alors, marchands de sommeil ou rôle social essentiel ? Ce sera à la Justice d’en décider. Après plusieurs demandes de régularisation refusées, la propriétaire de cet immeuble de l’Avenue du Luxembourg porte à présent l’affaire au Conseil d’État. "Je voudrais que la Ville d'Arlon se rende compte que les gens aiment vivre ici, que je joue un vrai rôle social. J'ai sorti plusieurs personnes de la rue et que grâce à moi, le CPAS ne doit pas leur trouver de logements sociaux. Non seulement la Ville d'Arlon ne m'a jamais remerciée pour mon travail, mais en plus ils veulent mettre mes locataires à la rue", conclut Ann Mertens.