Agriculture

Manifestion du monde agricole : où sont les agriculteurs grand-ducaux ?

Manifestion du monde agricole : où sont les agriculteurs grand-ducaux ?
Agriculteurs à Bruxelles (Belga)
 Publié le jeudi 01 fevrier 2024 à 13:49 - Mis à jour le jeudi 01 fevrier 2024 à 14:25    GDL

Alors que les agriculteurs manifestent en Belgique, en France et en Allemagne, aucun signe de mobilisation ne perce au Luxembourg. Le secteur paraît disposé à laisser ses chances au nouveau gouvernement et à sa ministre de l’Agriculture, Martine Hansen, qui multiplie les annonces en vue d’apaiser les mécontentements.


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Le Grand-Duché de Luxembourg est-il une île au milieu de la déferlante de manifestations agricoles en Europe ? Alors que ce jeudi, les tracteurs belges et étrangers font le siège des institutions européennes à Bruxelles, la capitale luxembourgeoise échappe jusqu'ici aux mouvements de protestation.

“Ce serait prématuré de monter sur les tracteurs et d'aller en ville”, juge le président de la Chambre d’agriculture luxembourgeoise et vice-président de la Centrale paysanne, Guy Feyder. “Les agriculteurs sont plutôt en attente de ce qui va se passer.”

Ce calme du monde agricole luxembourgeois présente un étrange contraste avec le reste de l’Europe, où les agriculteurs se mobilisent depuis des semaines jusque dans les trois pays voisins du Grand-Duché.

En France, la FNSEA et les Jeunes Agriculteurs dénoncent la “déconnexion” entre les discours politiques et “les décisions qui pèsent sur les agriculteurs”. Ils réclament une “juste rémunération de leur travail”  ainsi qu’une “réduction des normes” afin “de redonner de l’air aux agriculteurs”. En Belgique, la FWA critique le “rouleau compresseur législatif” européen et s’inquiète de l’inflation et de la hausse des coûts de production quand “seul le salaire des agriculteurs n’augmente pas!”

Le Luxembourg mieux “doté”

Mais, alors que les manifestations et les convois de tracteurs pour bloquer les routes se multiplient, parfois à la frontière même du Grand-Duché, comment expliquer que le Luxembourg reste préservé ? Une première raison “explique en partie pourquoi les tensions sont moins présentes”, selon Guy Feyder : l’argent public. “Le budget de l'État n'est pas doté de la même façon chez nous que dans les pays voisins, il faut quand même le reconnaître”, admet-il.

Pour autant, la raison reste partielle, les agriculteurs luxembourgeois étant confrontés aux mêmes difficultés que ceux des autres pays européens. “Cela ne veut pas dire que nos agriculteurs ont plus d'argent que nos collègues dans les pays limitrophes”, relativise d’ailleurs Guy Feyder. “Les contraintes de production sont aussi souvent plus lourdes que dans les pays voisins” et la “pression environnementale” pèse de même sur les agriculteurs luxembourgeois. 

“Donner une chance à la nouvelle ministre”

De fait, selon lui, la mobilisation en Europe “est une vague qui passe partout et démontre un malaise profond, qui existe aussi chez nous à 100 %”, estime-t-il. “Mais il faut quelque chose qui déclenche, et ce déclencheur manque à l’heure actuelle dans notre pays.”

La récente nomination en novembre d’un nouveau gouvernement issu d’une nouvelle coalition n’est pas étrangère à ce statu quo. D’autant plus avec la nouvelle ministre de l’Agriculture, Martine Hansen (CSV), issue du nord du pays. “Cela fait 20 ans que nous n’avons plus eu une personne responsable du ministère de l'Agriculture que nous pouvons considérer, vu son origine, vu son parcours, comme un insider, comme quelqu’un qui sait très bien de quoi elle parle”, explique Guy Feyder. Et celui-ci a le sentiment que le secteur souhaite par conséquent “donner une chance à la nouvelle ministre de développer sa volonté et ses actions”. 

La nouvelle ministre de l'Agriculture, Martine Hansen, lors du dernier Conseil de l'UE du 23 janvier (image : Union européenne)

Multiplication d’annonces apaisantes

Depuis quelques jours, Martine Hansen semble en tout cas tout faire pour apaiser le monde agricole luxembourgeois. La ministre chrétienne-sociale a multiplié les annonces conciliantes vis-à-vis des agriculteurs lors de ses nombreuses rencontres avec les syndicats et les organisations agricoles luxembourgeoises. 

Le 22 janvier, face aux représentants de la Baueren-Allianz (Alliance des agriculteurs), elle assure ainsi vouloir “donner priorité à la simplification administrative afin de laisser respirer les agriculteurs". Le lendemain, en Conseil des ministres de l’Agriculture de l’UE, elle soutient “un cadre réglementaire stable, prévisible, simplifié et moins bureaucratique”, des objectifs européens “réalistes, cohérents et équilibrés entre nos ambitions agricoles, commerciales et environnementales” et “un revenu décent” pour les agriculteurs.

Et le jour suivant, le 24 janvier, elle assure en présence des représentants de la Centrale paysanne que “toutes les aides à l'adresse des agriculteurs seront maintenues”, ajoutant accorder “une grande priorité à la simplification administrative”, notamment concernant les “procédures environnementales en vigueur”.

“Rester à l'écoute du secteur”

Martine Hansen dit en tout cas vouloir “regagner la confiance des agriculteurs et rapprocher les acteurs du terrain de la politique et des décisions politiques” et, dans cette perspective, “rester à l'écoute du secteur”.

“Elle nous donne le sentiment d'être à l'écoute”, se réjouit Guy Feyder, qui approuve l’institutionnalisation d’une rencontre biannuelle, au printemps et à l’automne, entre gouvernement et acteurs du secteur agricole. “C'est une nouvelle façon de procéder du ministère avec notre secteur”, remarque-t-il. “Avant, tout était décidé en amont, nous étions toujours mis devant le fait accompli. Cette chance-là, il ne faut pas la casser dès le début.”

De quoi expliquer la position d’attente des agriculteurs luxembourgeois, à rebours du reste de l’Europe. La “Landwirtschaftsdësch”, ou table ronde sur l’agriculture, qui aura lieu le 4 mars 2024, devrait montrer de manière concrète dans quelle direction s’engage le gouvernement du Grand-Duché et donner des indications au monde agricole. Optimiste, Guy Feyder veut en tout cas croire à “une issue positive pour le secteur”.


Pierre Pailler