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Vente du domaine de Viroinval à la Région : Arlon flouée de… 4 millions d’euros

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 Publié le mercredi 14 juin 2023 à 13:30 - Mis à jour le jeudi 15 juin 2023 à 14:05    Arlon

La majorité arlonaise vient de dévoiler le montant de la contre-expertise portant sur sa propriété forestière à Viroinval (355ha). Celle-ci  s’élève à 8,618 millions. C’est 4 millions de plus que le prix de vente, fixé par… et pour la Région wallonne. La ville demande des comptes auprès de la ministre, Céline Tellier. 


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Vincent Magnus avait déclaré qu’il serait “particulièrement fâché s’il s’avérait que des gens de confiance, ont essayé de rouler (la) commune."
Aujourd’hui, on imagine combien il doit l’être… 

Depuis ce lundi, la majorité arlonaise a entre ses mains la contre-estimation commandée auprès d’un expert forestier privé, chargé d’évaluer la valeur de revente des 355 ha de forêts dont la ville est propriétaire près de Oignies-en-Thiérache (Viroinval).
Et la différence est pour le moins interpellante : 8,612 millions, soit 4 millions de plus que le prix de vente de 4,6 millions fixés par et pour la Région wallonne. Pour Arlon c’est une perte de plus de 50% ! 

Le préjudice est considérable. Mais pas suffisant que pour faire jouer la clause légale, dite de rescision, et faire annuler la vente. La ville va devoir négocier. Elle interpelle la ministre wallonne de l’environnement Céline Tellier. “La demande vise à revoir bien évidemment le montant proposé”, précise le collège dans un communiqué.
Dans ce dossier, la majorité arlonaise a joué au “Risque-tout”. Elle s’est précipitée. N’a pas écouté. Elle va devoir maintenant ferrailler, pour préserver les intérêts de ses citoyens…  

Comment en est-on arrivé là ?

Mi-décembre, le conseil communal d’Arlon entérinait la vente, à la Région wallonne pour cause d’utilité publique, du domaine forestier du “Risque-tout” : 355 ha de résineux et bois feuillus, situé au sud de la commune de Viroinval, à la limite de Fumay en France. Montant de la vente ? 4,6 millions d’euros, établis sur base de l’expertise menée par les services du cantonnement du DNF local.
En cette séance, puis à nouveau en février, puis un mois plus tard encore,  le conseiller de la minorité Jean-Marie Triffaux avait pourtant tiré la sonnette d’alarme. Le conseiller-lanceur d’alerte avait non seulement regretté la perte de ce patrimoine, mais il avait aussi dénoncé la hauteur de l’évaluation, “bien en deçà de la valeur réelle”. A chaque occasion, il a enjoint le collège à procéder à une seconde expertise.

 

Le conseiller Jean-Marie Triffaux avait alerté la majorité

Dans un premier temps, Vincent Magnus et Alain Deworme, les bourgmestre et président de CPAS en charge des forêts, ont jugé bon… de ne pas entendre ces alertes. A plusieurs reprises, ils ont défendu, et leur confiance dans le travail  de l’administration wallonne, et le prix de vente.
Puis, à force d’entendre le conseiller Triffaux insister,  le doute s’est peu à peu installé…
Et si la ville s’était fait avoir par la Région ? Et si le chef de  cantonnement DNF de Viroinval avait sous-évalué le bien ? Par simple erreur ou pire, pour s'adapter aux budgets wallons disponibles ? 

Mi-mars (trois mois plus tard), le collège se ravise et lance donc une seconde expertise, privée cette fois, dont les résultats sont connus. Arlon a été grugée. De quatre millions d'euros . 

Pas de clause de rescision

D’aucuns avaient évoqué la possibilité légale de faire annuler la vente en activant la clause dite de rescision.  Il n’en sera rien.
Cette disposition en droit notarié, permet de faire valoir une “lésion”, un préjudice, dans le chef du vendeur, si le montant de la vente est inférieur à 5/12 de l’estimation. En ce cas-ci, il eut fallu que la contre-expertise atteigne les 11,040 millions. On en est loin. Il faudra négocier.

Le domaine du Risque-Tout à Viroinval  

Lorsque l’on survole la propriété, on se rend compte de l’étendue boisée : 355ha et 44 ares très exactement. 170 ha de résineux, pour la plupart âgés d’une soixantaine d’années, et 200 ha de feuillus de moindre qualité, “qui ont poussé de manière naturelle sur des parcelles mises à blanc il y a une vingtaine d’années”, explique Jean Réginster, l’expert forestier mandaté par la commune. Les résineux quant-à eux, affichent une belle vigueur : “du bois exploitable en scierie. Il y a bien eu quelques foyers de scolytes, sur 5-6 ha, mais ils ont été coupés à temps, et ça ne s’est pas propagé”.

Estimer une forêt publique

Estimer une forêt publique n’est semble-t-il pas chose aisée. Avant tout parce que les communes ne sont pas autorisées, sauf dérogation, à vendre des acheteurs privés. “L’expertise est donc toujours un peu inférieure aux montants auxquels on pourrait arriver dans le cadre d’une vente de privé à privé”, indique Jean Reginster.
Le prix doit aussi tenir compte de deux éléments : le fond d’une part. Et les bois sur pied, ce qu’ils valent et ce qu’ils pourraient rapporter. “
Et il est clair que la première estimation sous-évalue ces deux éléments”, glisse l’expert privé.

Cette histoire arlonaise donne l’occasion de s’interroger sur le processus même. Comment la Région peut-elle être à la fois juge et partie, estimatrice et acquéreuse ? 
Gageons que l’administration n’a pas cherché à flouer volontairement le chef lieu. Toujours est-il qu’en achetant le domaine du Risque-Tout, la région wallonne a réalisé une belle affaire sur le dos des Arlonais.  


Christophe Thiry