Politique

Le Luxembourg se prépare pour des élections législatives à l’issue imprévisible

Le Luxembourg se prépare pour des élections législatives à l’issue imprévisible
 Publié le mardi 03 octobre 2023 à 07:30 - Mis à jour le vendredi 06 octobre 2023 à 16:40    GDL

Les Luxembourgeois voteront dimanche 8 octobre afin d’élire leurs nouveaux députés. Entre maintien de l’actuelle coalition à trois réunissant libéraux, socialistes et écologistes ou création d’une nouvelle alliance impliquant les chrétiens-sociaux, la configuration gouvernementale qui résultera de ces élections reste une inconnue.


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Après avoir voté en juin dernier dans le cadre des élections communales, les électeurs du Luxembourg se rendront de nouveaux aux urnes dimanche 8 octobre pour élire les 60 députés qui les représenteront à la Chambre des députés lors des cinq prochaines années. Douze partis politiques sont en lice dans le cadre de cette campagne pour les élections législatives 2023. Aucun d’entre eux ne pouvant raisonnablement espérer obtenir une majorité absolue, la nouvelle configuration politique à l’issue du scrutin reste imprévisible.

Le gouvernement actuel est issu d’une coalition réunissant les libéraux du DP, les socialistes du LSAP et les écologistes de déi Gréng. Le Premier ministre sortant, Xavier Bettel (DP), au pouvoir depuis dix ans, est candidat à sa réélection. Il pourrait toutefois se faire doubler par le LSAP, mené par la ministre de la Santé, Paulette Lenert, novice en politique mais parmi les personnalités politiques préférées des Luxembourgeois depuis qu’elle a été portée sur le devant de la scène par sa gestion jugée sérieuse et humaine de la pandémie de Covid-19.

Une courte majorité

La majorité issue de cette coalition à trois est cependant très courte, avec seulement 31 sièges sur 60 à la Chambre. La perte d’un seul siège pourrait donc l’empêcher de former un nouveau gouvernement. Et rien ne dit qu’une telle volonté subsiste: après dix ans d’exercice commun du pouvoir, les trois alliés ont mal dissimulé une certaine lassitude et il pourrait leur être difficile d’élaborer à nouveau un projet commun fort.

D’autant que le CSV attend en embuscade. Principale force politique du pays avec 21 sièges à la Chambre, le parti chrétien-social a régné sans discontinuer sur le pays depuis la Seconde Guerre mondiale (à l’exception d’une mandature entre 1974 et 1979), avant de se faire éjecter du pouvoir en 2013 par la coalition actuelle. Peu à l’aise dans le rôle de principal parti d’opposition, le CSV a fait du retour au pouvoir son objectif principal. Mais, sur le déclin, il devra compter sur sa tête de liste, Luc Frieden, ancien ministre sorti de sa retraite politique, pour conserver ses sièges - ou tout du moins ne pas trop en perdre.

Vers une coalition élargie?

De plus petits partis politiques pourraient aussi tirer leur épingle du jeu et offrir la possibilité d’une coalition à quatre. C’est notamment le cas du Piratepartei. Avec deux députés à la Chambre, le parti pirate luxembourgeois s’impose comme une force montante et vise désormais cinq ou six députés. S’il atteint son objectif, il pourrait alors potentiellement faire son entrée au gouvernement dans le cadre d’une coalition élargie.

Le prochain gouvernement devra en tout cas se saisir de la grave crise du logement qui sévit au Luxembourg depuis des années et qui s’est imposée comme un des enjeux principaux lors de la campagne. Le pays a de fait vu sa population exploser ces deux dernières décennies (de 440.000 habitants en 2001 à 660.000 en 2023) sans parvenir à adapter son parc de logements - avec pour conséquence une très forte hausse des prix de l’immobilier, désormais inaccessibles pour de nombreux travailleurs, ce qui contribue en parallèle à l’aggravation des inégalités. La dynamique démographique a aussi mis sous pression les infrastructures de mobilité. Plus de 200.000 frontaliers traversent désormais les frontières du pays pour travailler au Luxembourg, provoquant toujours davantage d’embouteillages sur les routes et de saturation dans les transports publics.

Des finances publiques sous pression

En outre, si le Luxembourg bénéficie d’une économie solide, les projections ne tablent plus sur les mêmes standards que les dernières décennies en termes de croissance du PIB. La question de la compétitivité des entreprises et notamment de la Place financière du pays a ainsi nourri les débats lors de la campagne. D’autant que le Luxembourg ne peut raisonnablement plus compter sur un maintien du niveau de croissance démographique de ces dernières années.

Les crises successives - pandémie, guerre en Ukraine - ont d’ailleurs mis sous pression les finances publiques du Grand-Duché. La dette publique, à la hausse (20,2 milliards d’euros en 2023 contre 2,2 milliards en 2004), atteint désormais 24,7% du PIB et, sans changement majeur, pourrait dépasser les 30% dans les prochaines années. Si un tel niveau de dette paraît très raisonnable en comparaison internationale, il s’agit d’un risque non négligeable en compromettant à terme le précieux triple A accordé jusque-là au Grand-Duché par les agences de notation financière.

DP et LSAP vainqueurs dans les sondages

Le nouveau gouvernement devra en outre maintenir voire renforcer ses efforts au niveau de la politique climatique et environnementale. La croissance économique et démographique de ces dernières années s’est en effet accompagnée d’une très forte pression sur l’environnement. Et le Luxembourg se situe dans le groupe de tête au sein des classements internationaux évaluant les émissions de gaz à effet de serre par habitant.

Le prochain gouvernement devra se saisir de ces différentes problématiques tout en fixant ses propres priorités, qui dépendront bien sûr de la nouvelle configuration politique. Le dernier sondage réalisé début septembre par TNS-Ilres pour le compte de RTL et du Luxemburger Wort donne quelques indications sur les dynamiques en cours: la coalition actuelle pourrait mathématiquement se maintenir, la baisse de déi Gréng (-2 sièges) étant compensé par la hausse de ses actuels partenaires DP (+1) et LSAP (+1). Le CSV, malgré son déclin (-2), resterait la principale force politique du pays. Quant au Piratepartei, il confirmerait sa montée en puissance avec 3 sièges en plus. Enfin, le parti de gauche radicale déi Lénk conserverait ses deux sièges, tandis qu’à l’opposé de l’échiquier politique le parti conservateur ADR en perdrait un.


Pierre Pailler