Judiciaire

Polices locales : ce qu'elles coûtent aux communes luxembourgeoises

Polices locales : ce qu'elles coûtent aux communes luxembourgeoises
 Publié le mercredi 14 mai 2025 à 17:11 - Mis à jour le dimanche 18 mai 2025 à 09:16    Province

Communes et fédéral assurent ensemble le financement des zones de police locales. Mais pas dans les mêmes proportions.
Nous avons comparé les dotations des 43 communes luxembourgeoises et du fédéral et leur impact dans le portefeuille des citoyens. 

Rappelez-vous, on l’a appelée la réforme Octopus : en janvier 2002, pour mettre un terme aux guerres des polices, disparaissaient gendarmerie, police judiciaire, police communale, au profit d’une nouvelle police dite “à deux niveaux”. 

Depuis 23 ans, les services de police s’articulent autour d’une police fédérale et de 178 zones de police locales, dont les missions vont de l'accueil des citoyens à la prévention et à l’assistance aux victimes, aux enquêtes et recherches, aux interventions et maintien de l’ordre public, à la lutte contre les infractions routières...

Six zones de police locales en Luxembourg

En province de Luxembourg, ces zones de police locales sont au nombre six.
Elles couvrent des territoires allant de quatre à douze communes pour la plus étendue, et une population comprise entre 35.000 à 77.000 habitants.  

  • ZP Arlon-Attert-Habay-Martelange (4) : Arlon, Attert, Habay, Martelange
  • ZP Sud-Luxembourg (4) : Aubange, Messancy, Musson, Saint-Léger
  • ZP Gaume (7) : Chiny, Etalle, Florenville, Meix-devant-Virton, Rouvroy, Tintigny, Virton
  • ZP Centre-Ardenne (7) : Bastogne, Fauvillers, Léglise, Libramont-Chevigny, Neufchâteau, Sainte-Ode, Vaux-sur-Sûre
  • ZP Semois & Lesse (9) : Bertrix, Bouillon, Daverdisse, Herbeumont, Libin, Paliseul, Saint-Hubert, Tellin, Wellin
  • ZP Famenne-Ardenne (12) : Durbuy, Erezée, Gouvy, Hotton, Houffalize, La Roche-en-Ardenne, Marche-en-Famenne, Manhay, Nassogne, Rendeux, Tenneville, Vielsalm 

Double financement : fédéral et communal 

Chaque zone de police locale est alimentée par deux sources de financement : les dotations communales et une dotation fédérale, la part la plus importante, dont le montant de base originel a été complété de plusieurs paquets au fur et à mesure que se sont ajoutées de nouvelles obligations. Depuis 2004, par exemple, chaque zone reçoit une dotation tirée des amendes de roulage.

Une dotation fédérale fixée selon la norme KUL

Chaque année, les zones de police locales reçoivent une dotation fédérale.
Cette dotation, variable d’une zone à l’autre, est définie sur base de la norme dite “KUL”.
Celle-ci tient compte d’une douzaine de paramètres : population ; superficie ; équipements (hôpitaux, gares, prisons, centres sportifs et culturels, écoles, établissements horeca, ….) ; nombre de nuitées, de délits, de déménagements ; revenus nets ; revenus cadastraux ; etc. 

L’influence des anciens gendarmes

Mais cette norme KUL tient aussi compte du nombre de gendarmes repris au départ dans les zones locales : plus une zone de police locale reprenait d’anciens gendarmes, plus le montant de sa dotation fédérale de base était élevé.
Et inversement. Créant depuis lors, des écarts parfois importants d’une zone à l’autre. 

Un Aubangeois paie jusqu’à 3,5 fois plus

Ainsi, là où un citoyen d’Attert consacrera en 2025, 47€ à sa police locale, un Aubangeois devra débourser 167€. C’est 3,5 fois de plus !

En montant absolu, c’est la commune d’Arlon qui concède le plus à sa zone : un peu plus de 3,8 millions. Les communes d’Aubange (2.979.203€) et Bastogne (1.846.129€) complètent le podium. 

En moyenne, le montant annuel alloué par habitant s’élève à 89,04€.
Seules 16 communes sur 43 paient davantage.

Évolution 2024-2025 des dotations communales 

Les dotation communales aux zones de police sont réévalués chaque année. La hauteur de cette augmentation est fixée au sein des conseils de zone et varie d’une zone à l’autre. 

Entre 2024 et 2025, elle était de l’ordre de 2% en Gaume, 6% en Famenne-Ardenne et en Sud-Luxembourg, 8% sur Arlon, et pointait même à 15% en Famenne-Ardenne. 

Pas d’augmentation prévue sur la zone Semois & Lesse

Seule la zone Semois & Lesse a maintenu sa dotation. “Cela fait huit ans que nous n'avons pas touché aux participations communales”, nous précise le chef de corps Vincent Léonard. “On travaille sans relâche sur l’optimisation des processus, sur l’organisation des équipes, sur une limitation des heures supplémentaires, et ça paie. Nous avons réussi à constituer un fameux bas de laine qui a permis d’absorber l’inflation. Sans toucher aux dotations”.
Mais la situation risque de ne pas durer. “Le bas de laine a fondu. Les onze  indexations  de ces derniers mois nous ont coûté 1,8 millions d’euros ! En 2026, les communes devront accepter de revoir à la hausse leurs cotisations”. 

La zone Semois & Lesse jouit d’une autre singularité. Elle est la seule où les dotations communales sont identiques par tête d’habitant, 85€ par an, quelles que soient les communes.
“Ça remonte à 2003. Je trouvais anormal que des communes comme Paliseul ou Saint-Hubert paient plus cher par habitant que d’autres communes de la zone, pour un service uniforme. Les bourgmestres m’ont suivi et nous avons bloqué les dotations les plus élevées, jusqu’à ce que toutes les communes versent une somme proportionnellement identique”.

La Roche-en-Ardenne : une augmentation… moindre qu’ailleurs 

Ce gel de dotation vaut aussi, sur la zone Famenne-Ardenne, pour la seule commune de La Roche-en-Ardenne.
Cette année encore, sa participation a été majorée de seulement 3,77%, au lieu des 6% imposés aux onze autres communes de la zone : “Depuis la création de la zone locale Famenne-Ardenne, la commune de La Roche-en-Ardenne paie, par habitant, davantage que les autres communes. (Le statut de ville touristique a fait monter La Roche-en-Ardenne d’une catégorie. Ce qui impacte sa norme KUL, ndlr). En 2017, il a été décidé de réduire cet écart en limitant chaque année l’indexation de sa dotation”, nous précise le chef de zone Daniel Sommelette.

En 2026, Arlon paiera moins 

Depuis plusieurs années, les communes d’Arlon, Attert, Habay et Martelange financent leur zone selon une clé de répartition. 

Un nouveau pourcentage interviendra dès 2026, dans lequel Arlon paiera un peu moins qu’avant (-260.000€).
Habay et Attert supporteront davantage (+100/120.000€). Martelange à peine plus (+27.000€).

Au regard du  seul chiffre de la population sur ces quatre communes, on notera qu’Arlon alloue un  montant proportionnellement plus élevé que les trois autres entités.
Le budget sera de 9% supérieur en 2026. 

Vers une fusion ? 

En Flandre, plusieurs zones ont déjà fusionné. A Bruxelles, le regroupement des six zones de police est clairement inscrit à l’agenda du gouvernement fédéral. Et elle fait l'objet de discussions côté wallon.

Les gouverneurs de province ont été chargés de mener les premiers tours de table. Olivier Schmitz a déjà rencontré les chefs de zone. Et poursuivra les démarches avec les présidents des conseils de police.

En Famenne-Ardenne, la plus vaste zone, le chef de corps y est favorable : “Une fusion permettrait de faire davantage d’économies d’échelles, sans perdre en proximité. Nous le voyons bien au sein de notre zone, on gagne en souplesse. Il est plus facile d’organiser les tournées et missions avec une base plus large de policiers”, précise Daniel Sommelette.

Son collègue sur Semois & Lesse, Vincent Léonard nuance : “Oui, je m’interroge sur la pérennité de zones comptant moins de 50 policiers. Mais avant de parler fusion, il faut d’abord travailler sur l’absentéisme, diminuer les charges administratives, revoir les priorités de certaines missions parfois inutiles, et renforcer les partenariats…


Christophe Thiry



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