Economie

Elections sociales au Luxembourg: les frontaliers, un électorat à mobiliser

Elections sociales au Luxembourg: les frontaliers, un électorat à mobiliser
 Publié le mercredi 06 mars 2024 à 14:19 - Mis à jour le mercredi 06 mars 2024 à 14:26    GDL

Moins d’un tiers des salariés du Luxembourg participent à l’élection des représentants de la Chambre des salariés, dont le rôle est pourtant non négligeable au sein du processus législatif du Grand-Duché. Et seul un quart des frontaliers se mobilise.

Tous les salariés du Luxembourg, travailleurs frontaliers inclus, sont depuis plusieurs semaines appelés à voter afin d’élire leurs représentants au sein de la Chambre des salariés (CSL). Mais cette élection, qui a lieu tous les cinq ans, mobilise très peu: lors du dernier scrutin, en 2019, seul un tiers des électeurs potentiels (32,2%) avait voté, selon une étude du Luxembourg Institute of Socio-Economic Research (LISER) parue en mars 2023.

 

L’abstention est particulièrement marquée chez les travailleurs frontaliers. Moins d’un quart d’entre eux (23,7%) participe au vote, une proportion moindre que celle des résidents étrangers (26,8%) et bien inférieure à celle des résidents luxembourgeois (56,3%).

 

 

Les Belges votent plus que les Allemands et les Français

 

Au sein même des frontaliers, les Belges sont par contre ceux qui votent le plus: ils sont 32,3% à envoyer un bulletin. Moins d’un tiers, certes, mais similaire à la moyenne générale et davantage que les Allemands (29,9%). Les frontaliers français sont en comparaison bien moins nombreux à se mobiliser (21,8%), selon l’étude du LISER. La tendance est d’ailleurs similaire chez les résidents étrangers: les Allemands et les Belges sont respectivement 37,3% et 35,6% à participer au vote, loin devant les Français (25,6%).

 

 

Ce désintérêt s’explique en premier lieu par la méconnaissance qu’ont les électeurs étrangers de la Chambre des salariés elle-même. Cette institution, inexistante en France et en Belgique, ne connaît de formats similaires que dans deux Landers allemands, la Brême et la Sarre, ainsi qu’en Autriche.

 

Un rôle dans le processus législatif

 

Son rôle n’est pourtant pas négligeable, en particulier au sein du processus législatif: les 60 représentants de la CSL, symboliquement du même nombre que les membres de la Chambre des députés, publient des avis sur tous les projets de lois ou de règlements qui concernent les intérêts des salariés - et si ceux-ci restent consultatifs, leur influence est certaine. Ils peuvent aussi déposer des propositions de lois et possèdent un rôle important dans le cadre de la formation professionnelle.

 

Le mode de scrutin est aussi créateur de confusion pour les électeurs. Les élections sociales du 12 mars regroupent en effet deux élections, celle des délégués du personnel qui a lieu physiquement dans les entreprises le 12 mars même, et celle de la CSL qui a lieu par correspondance en amont de cette date: les électeurs sont en effet supposés avoir déjà reçu leur bulletin par courrier et le renvoyer - gratuitement - avant la date butoir afin que celui-ci soit bien comptabilisé.

 

La CSL a renforcé sa campagne de communication cette année afin de tenter de limiter l’effritement de la participation, qui était encore de 36% en 2008 et 2013. Toutefois, “l’apprentissage des droits civiques à des gens qui ne sont pas originaires du Luxembourg prend beaucoup de temps”, reconnaît le directeur de la CSL, Sylvain Hoffmann.

 

Investissement personnel nécessaire

 

L’enjeu est pourtant de taille: “Les frontaliers représentent la moitié de notre main-d'œuvre et ils créent la richesse de ce pays”, rappelle la présidente de la CSL, Nora Back. Mais, étant exclus des élections législatives, “ils n'ont aucun droit politique au Luxembourg et subissent pendant cinq ans une politique sur laquelle ils n’ont aucune influence, ce qui est tout à fait injuste”. D’où cette volonté “de leur faire comprendre qu'il faut aller voter car il s’agit du seul endroit démocratique où on défend aussi leurs intérêts.”

 

La participation des frontaliers tient aussi en partie à eux-mêmes. S’intéresser à l’actualité, lire les journaux, écouter la radio est aussi “un effort à faire”, estime Franz Clement, chercheur au LISER et spécialiste du dialogue social, qui réclame “un investissement personnel dans la compréhension du dialogue social du pays” afin de profiter de cette “chance monumentale de pouvoir, sans habiter le pays, sans en avoir la nationalité, élire des représentants dans une sorte de parlement du travail”.

 

Pour l’instant, les frontaliers restent en tout cas largement sous-représentés au sein de la CSL au regard de leur véritable poids dans la masse salariale. Sur les 60 membres composant l’Assemblée plénière de la CSL, plus de la moitié (35) dispose de la nationalité luxembourgeoise. Viennent ensuite les Belges (8), les Français (7), les Portugais (5) et les Allemands (2). Surtout, les trois-quarts des élus (43 membres) résident au Luxembourg, 9 en Belgique, 5 en France et 3 en Allemagne.

 


Newsletter

Recevez notre newsletter pour ne rien manquer de l'info, du sport et de nos émissions



Pierre Pailler