Le supercalculateur luxembourgeois Meluxina met à disposition des entreprises, quelle que soit leur origine ou leur taille, sa puissance de calcul colossale de 18 petaflops. Un positionnement unique, les supercalculateurs restant généralement réservés à la recherche et donc peu ouverts aux relations commerciales.

Depuis son inauguration en 2021, le Luxembourg propose à la recherche mais aussi, plus rare, aux entreprises les services de son superordinateur, Meluxina. Installé au sein du centre de données de LuxConnect à Bissen, celui-ci possède une puissance de calcul de 18 pétaflops, soit 18 millions de milliards (18.000.000.000.000.000) d'opérations par seconde - l’équivalent de 18.000 MacBook Pro dernière génération. De quoi traiter de très gros volumes de données et effectuer des calculs complexes à grande vitesse dans des domaines tels que la modélisation, la simulation ou l'intelligence artificielle.

Le projet, dont le coût s’est élevé à un peu plus de 30 millions d’euros, s’inscrit dans la volonté européenne de relever le défi de la digitalisation et de se mettre à niveau face à la montée en puissance des acteurs américains et asiatiques. Une stratégie incarnée avec les 8 milliards d’euros mis sur la table en 2018 par l’alliance de 27 Etats européens (désormais 35) au sein de l’European High-Performance Computing Joint Undertaking (EuroHPC JU). Cette entité, qui siège à Luxembourg, a pour ambition de “développer un écosystème de supercalculateurs de classe mondiale en Europe”.

89e supercalculateur le plus puissant au monde

Situé à la 89e position du classement de juin 2024 des 500 superordinateurs les plus puissants dans le monde, Meluxina détient une puissance de calcul mesurée. De fait, son budget, proportionnel à la taille du Grand-Duché, ne peut pas s’aligner sur celui de certains grands pays européens. Ses homologues espagnol (295 petaflops), italien (315 petaflops), finlandais (539 petaflops) ou même bientôt allemand (un exaflop, soit 1.000 petaflops) font ainsi la course loin devant.

Mais le superordinateur luxembourgeois compense par son positionnement unique, puisque les entreprises peuvent recourir à ses services via un contrat commercial. “Avant Meluxina, une société commerciale ne pouvait pas avoir accès à un supercalculateur”, explique Arnaud Lambert, le CEO de Luxprovide, la société qui exploite le superordinateur luxembourgeois. “Pour les sept autres superordinateurs actifs en Europe, la partie commerciale est minime, il s’agit principalement de recherche”, ajoute-t-il.

Sécurité et confidentialité optimisées

Pour ce faire, le Luxembourg a dès l’origine misé sur une sécurité accrue afin de garantir la confidentialité des données de ses utilisateurs. Le centre de données est ainsi le seul en Europe à être certifié TIER IV et la société qui l’opère, Luxprovide, en ISO 27001. Un niveau de certification qui n’est pas nécessaire pour la recherche, mais qui est indispensable pour convaincre les acteurs privés.

Toute entreprise, quel que soit son pays d’origine, est potentiellement éligible pour bénéficier de la puissance de calcul de Meluxina. Et ce dans tous les domaines: l’industrie est le secteur historique, un supercalculateur étant l’idéal pour réaliser des simulations numériques. La société ispace, qui développe des rovers lunaires, l’utilise ainsi pour développer de complexes cartes des ombres lunaires, l’opérateur de satellites SES pour optimiser les performances de ses satellites, ou encore la société RSS-Hydro pour fournir des cartes scientifiques à très haute résolution des risques d'inondation à partir de données satellitaires. Mais, désormais, le secteur des services recourt aussi à Meluxina, notamment les banques ou les assurances.

Des programmes d’aides pour start-up et PME

Et si les grandes entreprises doivent signer un contrat commercial classique avec Luxprovide - comptez en moyenne 10.000 euros par mois -, deux programmes d’aides gouvernementaux existent pour les entreprises de taille plus limitée: “Initiate”, qui permet aux start-up d’accéder à Meluxina gratuitement pendant une période allant jusqu’à six mois, et “Cashback 80%”, qui offre à celles-ci ainsi qu’aux PME d’être remboursées de 80% de leurs frais d’utilisation, sous réserve d’acceptation du dossier par le ministère luxembourgeois de l’Economie.

650 projets tournent actuellement sur le supercalculateur luxembourgeois, ce qui laisse encore de la marge pour d’autres candidats intéressés. Et si, pour le moment, 10 à 15% de ceux-ci seulement sont des clients privés, cette part devrait croître de manière “exponentielle”, assure Arnaud Lambert. “Désormais, le marché est mûr”, prévient le CEO de Luxprovide. D’autant que Meluxina continue d’évoluer en se positionnant sur des secteurs d’avenir, notamment avec les projets Meluxina-Q, dédié aux ordinateurs quantiques, et Meluxina AI, qui surfe sur la vague de l’intelligence artificielle.

Pierre Pailler