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Espagne. Des Luxembourgeois victimes de “house kidnapping”

Espagne. Des Luxembourgeois victimes de “house kidnapping”
Photo d'illustration
 Publié le mardi 11 mai 2021 à 12:15 - Mis à jour le lundi 04 juillet 2022 à 15:33    Province


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Votre maison, elle est à moi maintenant ! Je suis dedans et j’y reste. J’ai la loi avec moi.” Au bout du fil, une jeune dame, française, pas encore la trentaine, sûre d’elle, le ton agressif. Passés les premiers instants de surprise et d’incrédulité, cette famille originaire du nord de la province de Luxembourg a bien vite compris l’ampleur de la situation : leur maison de vacances en Espagne venait d’être squattée. 

Nous voulons sensibiliser les autres propriétaires

Nous pensions avoir loué la maison pour quatre semaines à un jeune couple en télétravail. Assez rapidement, les voisins sur place nous ont signalé que leur comportement semblait bizarre.  Nous avons vite déchanté...” racontent nos interlocuteurs, qui sous couvert d’anonymat, tiennent à attirer l’attention d’autres propriétaires de maisons de vacances en Espagne.

Dans un premier temps, la jeune française a prétexté s’être disputée avec son compagnon, et avoir été abandonnée sur place avec son enfant, sans moyen de locomotion. Puis le ton a changé : “Elle s’est montrée plus virulente. Elle a affirmé qu’elle resterait dans les murs aussi longtemps qu’elle le souhaiterait. Qu’elle était depuis un an en Espagne et que la loi espagnole la protégeait.” Et le chantage est tombé : "Quelques jours plus tard, elle nous a réclamé de l’argent : 3000€ pour quitter les lieux immédiatement.” 

Les secondes résidences, cibles de mafias

La situation vécue par cette famille propriétaire d’une maison de vacances sur le littoral espagnol est loin d’être un cas isolé. Les squats y sont fréquents un partout dans le pays.  Mais depuis la crise Covid, le phénomène des “ocupas” a pris un autre visage : celui du chantage et de l’escroquerie. Parallèlement aux sans-abris qui forcent des logements réellement inoccupés pour s’y réfugier discrètement et durablement, des bandes organisées se sont mises à cibler les secondes résidences et en ont fait une source de rentrées lucratives... en rançonnant les propriétaires.

Plus de 6 mois par la voie légale

Le modus est bien huilé : soit les malfrats se font passer pour des locataires, soit ils s’introduisent de force dans des habitations généralement inoccupées en dehors des vacances. Et ils s’y installent. Tout simplement. Lorsque les propriétaires découvrent les effractions, il est déjà trop tard… Ils ont beau déposer plainte et réclamer la mise à la porte immédiate des escrocs, rien n’y fait. La loi espagnole ne protège pas les propriétaires contre les squatteurs. Ces derniers le savent et en jouent. 

Les propriétaires se retrouvent démunis : entre s’engager dans de longues procédures judiciaires (de six mois à plus d’un an, à gérer à distance et dans une autre langue) ;  l’envie de passer en force (et  s’exposer soi-même à des poursuites, voire à des représailles) ; ou bien verser la rançon (au risque que les truands ne tiennent pas parole)... le choix est réduit. 

La police désemparée

Face à ce fléau qu’elle connaît bien, la police locale s’avoue elle-même sans réelles ressources. “Lorsque nous les avons alertés, les “Mossos” n’étaient pas surpris. Ils se sont déplacés sur place, mais ils nous ont confirmé qu’ils n’étaient pas autorisés à intervenir en urgence pour déloger les intrus. Puis l’agent de police a avoué que nous n’étions malheureusement pas les seuls : plusieurs autres secondes résidences aux alentours étaient prises au piège.

La famille a également sollicité le consulat de Belgique à Barcelone. Là encore, aucune surprise. “Cela fait plusieurs années qu’ils ont connaissance du phénomène, explique un des propriétaires. Ça aurait commencé dans le sud de l’Espagne et ça se développe maintenant en Catalogne, d’abord du côté de Cambrils, puis autour de Lloret et sur la Costa Brava. Souvent, nous a-t-on dit au consulat, ils agissent en bandes organisées et sont capables de se regrouper rapidement pour faire pression. On nous a bien fait comprendre qu’il ne fallait pas agir seuls, que la situation était vraiment délicate et qu’elle allait prendre du temps. ” 

Des sociétés pour “désoccuper” les logements

Mais au fil des contacts, la famille belge s’est vu suggérer une autre issue, pour le moins étonnante.  “Il nous a été conseillé de prendre les squatteurs à leur propre jeu : espionner les allers-et-venues et profiter d’un moment où l’habitation est vide pour s’y introduire, remplacer les serrures et y rester 48h, le temps qu’il faut pour inverser la situation et faire valoir à notre tour nos droits sur la protection de domicile. C’était complètement ubuesque !”

Et pourtant ça marche. Depuis 2016, des sociétés espagnoles en ont fait leur fond de commerce. Spécialisées en “désoccupation”, elles passent par des gros bras pour surveiller les résidences “kidnappées” et en reprendre possession à la moindre ouverture. Sur son site, une de ces sociétés se targue d’avoir -légalement- “désoccupé” plus de 5600 maisons sur les cinq dernières années, soit trois par jour !

Nos témoins, eux, n’ont pas eu recours à ce type d’entreprise. Mais ils ont pu compter sur la vigilance et l’aide soutenue de leurs connaissances sur place. Les jours passant, la squatteuse a revu ses prétentions largement à la baisse et a consenti à quitter les lieux, laissant derrière elle quelques dégâts matériels et un très mauvais souvenir. “La situation était vraiment stressante. On n’ose imaginer quelle aurait été la suite, si nous n’avions pas eu nos voisins sur place, reconnaissent nos interlocuteurs. Quand on voit ce qui se passe ailleurs en Espagne,  on s’en sort à moindre mal…” 

Chr. Thiry





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