Le nombre de travailleurs frontaliers belges a diminué en 2024. Une baisse exceptionnelle, mais qui s’inscrit dans une tendance plus profonde, sur fond de perte d'attractivité du Luxembourg et de changement de mentalité des travailleurs.
Sur l’année 2024, le nombre de travailleurs frontaliers belges a diminué au Luxembourg, selon les chiffres du Statec. Ils étaient en effet 51.525 à la fin du quatrième trimestre 2024, contre 51.644 à la fin du quatrième trimestre 2023. Une baisse légère, certes, de -0,2% seulement, mais qui est symbolique.
Il s’agit en effet de la première fois qu’un tel recul a lieu - excepté en 2008, suite à la crise financière - depuis l’explosion du phénomène des frontaliers au Luxembourg, dans les années 1980. Depuis lors, l’accroissement du nombre de personnes traversant la frontière belgo-luxembourgeoise pour se rendre au travail a été constant année après année.
Une tendance de fond
Et, contrairement au lendemain de la crise financière de 2008, qui a connu une diminution réelle mais isolée du nombre de travailleurs frontaliers et en réponse à un phénomène bien déterminé, la baisse de l’année 2024 semble davantage s’inscrire dans une tendance de fond.
De fait, alors que, depuis 2010, la croissance annuelle du nombre de travailleurs frontaliers tourne autour de 2%, voire de 3%, l’année 2023 avait connu une hausse faible, de seulement +0,7%, du nombre de travailleurs frontaliers belges.
Le nombre de frontaliers allemands également à la baisse
Surtout, le phénomène ne concerne pas que les frontaliers belges. Le nombre de travailleurs frontaliers allemands connaît lui aussi une baisse de -0,3% sur l’année 2024, avec 52.244 frontaliers allemands fin 2024, contre 52.390 fin 2023.
Finalement, seul le nombre de travailleurs frontaliers français continue d’augmenter, tirant à lui seul vers le haut le nombre total de travailleurs frontaliers. Mais, là encore, la croissance reste timide, de seulement 2% sur un an - un chiffre qui diminue avec les années.
Plus d’importance donnée à la qualité de vie
Pour expliquer cette tendance, les syndicats luxembourgeois pointent souvent du doigt un changement de mentalité des travailleurs, qui placent davantage d’importance sur l’équilibre vie personnelle-vie professionnelle, et qui sont plus réfractaires à l’idée d’affronter des trajets domicile-travail interminables pour des avantages économiques en termes de salaire qui ne seraient plus aussi significatifs qu’auparavant.
C’est aussi l’avis de Franz Clement, chercheur au Liser et spécialiste du phénomène frontalier. “Il n'y a pas eu de véritable enquête là-dessus”, constate-t-il. “Mais l'hypothèse la plus vraisemblable est que les gens en ont jusque-là d'être pris dans les embouteillages et préfèrent gagner un peu moins chez eux, mais avoir une meilleure qualité de vie”. Sans oublier l'impact non négligeable du ralentissement économique de ces dernières années.
Le patronat luxembourgeois inquiet
Le patronat luxembourgeois s’inquiète aussi de l’attractivité en berne du Grand-Duché. En début d’année 2025, dans son bilan de l’année écoulée, l’Union des entreprises luxembourgeoises (UEL) déplore alors la baisse du nombre de travailleurs frontaliers belges et allemands, constatant que “l’évolution de l’emploi salarié – le seul moteur de croissance de ces 20 dernières années – continue de ralentir”.
Et l’horizon ne semble pas se dégager. “Aucune embellie à court terme n’est envisagée comme le montrent les perspectives d’emploi dans les différents secteurs et les retours des entreprises membres des organisations professionnelles: la main d’œuvre, si elle est demandée, n’est souvent pas disponible et son coût est très élevé”, observe l’UEL.
Maintenir l’attractivité du Luxembourg
Franz Clement se veut plus optimiste. Il estime que la situation actuelle représente davantage de “petits accidents de parcours, comme on le voit dans la construction ainsi que dans d’autres secteurs”, mais que les prévisions devraient s’améliorer. “Nous avons déjà vu cette tendance à certains moments, mais cela n'a jamais véritablement duré”, constate-t-il, estimant que l’attractivité du Luxembourg n’est pas profondément menacée - même s’il revient au Luxembourg de faire des efforts pour la maintenir.
Le Grand-Duché n’aura d’ailleurs pas le choix d’agir s’il veut garantir son attractivité vis-à-vis des travailleurs frontaliers, qui représentent le moteur de son dynamisme économique. Or une croissance soutenue est indispensable pour le Luxembourg, ne serait-ce que pour maintenir son système de pensions à flot.
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