Inquiétude chez certains travailleurs frontaliers français de la fonction publique. Ils viennent d'apprendre qu'ils seront désormais imposés en Belgique. Informées par le SPF Finances, les administrations sont surprises par la rapidité d’exécution de ce nouvel accord, passé jusque là inaperçu.
Appel téléphonique à la rédaction de TVLux ce mardi 13 mai. À l'autre bout du fil, une infirmière française travaillant chez Vivalia : « on vient d'apprendre que nous serions imposées en Belgique. Est-ce que vous êtes au courant ? On dit que ce serait rétroactif pour l'année 2024 ? ».
L'inquiétude est palpable, mais c'est la surprise qui domine. Depuis plusieurs années, le régime fiscal préférentiel des frontaliers français est en sursis, mais aux dernières nouvelles le couperet n'était pas encore tombé.
Renseignement pris auprès d'une administration communale, nous apprenons qu'un mail leur est parvenu pour annoncer de nouvelles directives concernant l'imposition des travailleurs français. Celui dont nous prenons connaissance a été reçu ce 12 mai et transféré à un collègue d'une autre administration avec ce commentaire laconique: « Et voici la mauvaise nouvelle...une de plus ».
Un nouvel accord applicable immédiatement
Que dit exactement cette lettre du SPF Finances? Qu'en mars 2025, « les administrations belge et française ont conclu un accord à l'amiable concernant l'obligation de retenue du précompte professionnel pour les rémunérations du secteur public ». L'accord concerne « les traitements, les salaires ou les pensions (...) des salariés résidents de la France qui travaillent dans la fonction publique belge et qui possèdent la nationalité française »
On y lit ensuite la directive proprement dite :
« Cet accord prend effet à compter des revenus 2024. Cependant, nous vous demandons de retenir le précompte professionnel dû pour les rémunérations susmentionnées uniquement à partir du 17 mars 2025 (date de signature de l'accord) ». Histoire de semer un peu le doute, la phrase suivante évoque « dans le cas d’application de cet accord : les salaires, traitements et rémunérations tomberont dans le champ d'application de l'article 11 de la Convention Préventive de la Double imposition».
Faut-il y voir une porte ouverte à de possibles ajustements ?
Le dossier est éminemment technique, et à l'heure d'écrire ces lignes plusieurs administrations et syndicats tentent encore d'en cerner les implications. Une chose est sûre, l'accord ne fait nullement mention d'un quelconque moratoire, comme celui prévu pour le secteur privé qui reste préservé jusqu'en 2033.
Contacté par nos soins, le député fédéral Benoît Piedboeuf (MR) est au courant des inquiétudes suscitées par le nouvel accord. « J'ai eu un contact aujourd'hui avec le Vice-premier (et ancien ministre des Finances ndlr) Vincent Van Peteghem (CD&V). Il doit me revenir demain pour éclaircir la situation » explique celui qui, avec feu Josy Arens, s'était impliqué dans le dossier ces dernières années.
Et à l'époque, une période de transition jusqu'en 2026 avait été évoquée, voire même un possible moratoire pour le secteur des soins de santé. Car, on le sait, en Province de Luxembourg les hôpitaux de Vivalia comptent de nombreux ressortissants français. Notre interlocutrice (voir plus haut) ne s'en cache pas, la nouvelle donne fiscale risque de provoquer des départs en cascade dans un secteur déjà en pénurie et fortement concurrencé par le voisin grand-ducal.
L'infirmière française parle d'une perte de 40% de son salaire. Difficile de faire des généralités, mais pour « certains salaires on peut parler de plusieurs milliers d'euros » en moins sur une année, nous confirme une source syndicale. « Moi, je crains qu'on ait une fuite des infirmières » confie, par ailleurs, Dominique Wilkin, permanent de la CSC Services publics.
Démissions en vue chez Vivalia?
De son côté, l'intercommunale Vivalia dit encore analyser les dernières informations du jour. « Il est prématuré de faire un commentaire mais nous sommes vigilants par rapport à la situation des infirmières françaises travaillant dans nos sites ».
Car au-delà des inquiétudes légitimes des travailleurs, s'ajoute un véritable casse-tête administratif. « On nous demande de prélever le précompte à partir du 17 mars. Et pour le début de l'année 2025 ? » se demande un responsable communal.
Sans parler des inévitables erreurs administratives que va engendrer ce changement pour le moins abrupt. « Les Français rendent actuellement leur déclaration d'impôt, on risque d'avoir des erreurs involontaires, or il ne peut pas y avoir de double imposition », nous explique Mathilde Delsoir en charge des frontaliers français pour la CSC. Spécialisée dans le dossier, elle ne croit pas beaucoup à un moratoire pour les soins de santé qui pourrait donner lieu à des recours dans la fonction publique.
On l'a compris, la fumée autour de ce nouvel accord est loin d'être retombée. Et beaucoup s'interrogent aujourd'hui sur la discrétion qui semble avoir entouré sa signature.
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