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Judiciaire

La piste d’une organisation criminelle derrière l’affaire Caritas Luxembourg se renforce

La piste d’une organisation criminelle derrière l’affaire Caritas Luxembourg se renforce
Photo : Chambre des députés
 Publié le samedi 12 octobre 2024 à 12:09 - Mis à jour le samedi 12 octobre 2024 à 12:23    GDL

Le détournement de fonds de 61 millions d’euros dont a été victime l’association Caritas Luxembourg serait le fait d’une organisation criminelle, estime le parquet du Grand-Duché. Plus de 8.200 transactions vers des centaines de comptes ouverts dans une multitude d’États à travers le monde ont été identifiées par l’enquête.


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Près de trois mois après le début de l’affaire Caritas Luxembourg, une association luxembourgeoise de soutien aux populations vulnérables victime d’un détournement de fonds de plus de 60 millions d’euros, “la présomption qu’une association de malfaiteurs ou organisation criminelle est impliquée dans cette fraude” se renforce, a déclaré le parquet de Luxembourg dans un communiqué publié mercredi 9 octobre.

L’instruction judiciaire privilégie en effet la piste de la ‘fraude au président’ comme mode opératoire des agissements frauduleux. Cette arnaque consiste pour le fraudeur à se faire passer, par téléphone ou par courriel, pour un dirigeant de l’entité visée et à réclamer un paiement international urgent à un collaborateur habilité à effectuer les paiements.

En l'occurrence, une personne employée au sein de Caritas Luxembourg aurait été la cible de cette “fraude au président” et effectué des opérations de paiement entre février et juillet 2024. Après avoir détourné vers l’Espagne 28 millions d’euros de réserve dont disposait Caritas Luxembourg par le biais de virements réguliers de plusieurs centaines de milliers d'euros, la personne mise en cause aurait ensuite obtenu auprès de banques des lignes de crédit au nom de la Fondation pour un montant de 33 millions d'euros.

L'argent détourné ventilé “vers des centaines de comptes”

Cette personne, arrêtée sur mandat du juge d’instruction et inculpée dès le début de l’enquête, n’avait pas été placée en détention provisoire mais en liberté conditionnelle, sous contrôle judiciaire. “Il n’a pas été procédé à de nouvelles inculpations”, précise le Parquet dans son communiqué du 9 octobre.

L’argent détourné a ensuite été dispersé “vers des centaines de comptes ouverts dans une multitude d’États à travers le monde”, explique le Parquet. Pour se faire, plus de 8.200 transactions identifiées par l’enquête ont été réalisées dans des intervalles très rapprochés.

Des demandes d’entraides avec les autorités étrangères

L’enquête prend donc une dimension internationale et la collaboration avec les autorités étrangères est désormais “déterminante pour l’issue des investigations”. A ce stade, une quinzaine de demandes d’entraide ont été adressées par le juge d’instruction à ses homologues étrangers. Mais la complexité du système de fraude est telle que, “pour l’heure, il ne peut être déterminé avec certitude si une partie des fonds détournés est récupérable ou non”, reconnaît le Parquet.

Deux banques luxembourgeoises, BGL BNP Paribas et Spuerkeess, sont en outre dans le collimateur de la justice pour avoir effectué les virements et accordé les lignes de crédit à Caritas, selon plusieurs médias luxembourgeois. Le fait qu’aucune alerte n’a été déclenchée alors que des dizaines de millions d’euros de l’organisation caritative étaient transférés sur des comptes en Espagne en l’espace de quelques mois constitue en effet une négligence qui pourrait avoir des conséquences pénales. Une enquête préliminaire a été ouverte en ce sens, a d’ailleurs confirmé le parquet au média luxembourgeois Reporter.lu.

L’avenir de Caritas a provoqué des remous

La question de l’avenir de Caritas Luxembourg et de son personnel a quant à lui provoqué de nombreux remous. Le gouvernement a en effet décidé de transférer les activités et les employés nationaux de Caritas Luxembourg, grevé de dettes, vers une nouvelle structure créée de toute pièce, “HUT - Hëllef um Terrain”. 

Si l’opportunité de cette décision a été loin de convaincre dans les rangs de l’opposition, une levée de boucliers du syndicat OGBL et des partis de gauche a eu lieu lors du transfert chaotique des employés, sommés selon ceux-ci de démissionner de Caritas et de signer pour la nouvelle entité dans un délai très restreint et sans avoir été suffisamment informés des nouvelles conditions de travail.

Si plus de 300 employés ont finalement signé leur nouveau contrat au sein de HUT, se pose désormais la question du maintien des activités internationales de Caritas Luxembourg, comme au Laos ou au Soudan du Sud, et du sort des dizaines d’employés qui les gèrent, ainsi que de la  la survie de la fondation Caritas Luxembourg elle-même. Alors que ces entités avaient été annoncées comme condamnées dans un premier temps, des solutions pourraient finalement être mises en place, a récemment annoncé le gouvernement.

Le manque de transparence du gouvernement critiqué

La mauvaise communication et le manque de transparence de la part du gouvernement et, en particulier, du Premier ministre, Luc Frieden, ont suscité des critiques jusque dans les rangs de la majorité. Pour y répondre, celui-ci s’est finalement déclaré favorable à la demande de l’opposition de créer au sein de la Chambre des députés une commission spéciale dédiée à l’affaire Caritas afin de clarifier les zones d’ombre qui subsistent.

Cette affaire hors-norme aura finalement été jusqu’à faire réagir le Grand-Duc Henri lui-même. Lors de la récente remise du titre de “lieutenant-représentant” à son fils, le prince Guillaume, le chef de l’Etat s’est dit “extrêmement choqué” par cette fraude, qu’il a décrite comme étant rien de moins qu’une “catastrophe”.

Pierre Pailler